06/11/2014
Manifestations agricoles de Nantes et lâchers de ragondins

Un geste nuisible , des dégâts durables

Certes, l’animal est nuisible, classé comme tel par arrêté ministériel, et qui l’a côtoyé mesure l’ampleur des dégâts qu’il occasionne, non seulement sur les cultures, mais sur l’environnement naturel, dont la faune sauvage, sans oublier les maladies qu’il véhicule.
Oui, il s’agit d’une sous-espèce invasive, de son nom savant Myocastor coypus bonariensis, venue d’Amérique du sud et échappée des élevages à l’aube du 20ème siècle où il fut multiplié pour sa fourrure, colonisant progressivement toute la France, faute de froids rigoureux et de prédateurs en nombre.
Reste que le ragondin devient en 24 heures l’animal totem du comportement d’une poignée d’agriculteurs, qui suscite une indignation légitime.
Gestes barbares, cruauté, maltraitance, les mots sont unanimes dans la presse et les blogs pour condamner l’usage que ces manifestants ont fait d’un animal, un être vivant donc, ramené au rang de lisier et de rebut.
Au-delà même de cette indignation, le geste est non seulement stupide mais nuit, bien plus que les ragondins, à l’image de la profession tout entière, des professions agricoles au pluriel, devrions-nous dire. Les images des exactions qui ont eu lieu à Nantes mercredi matin entâchent en effet spectaculairement les efforts patients de bon nombre d’agriculteurs pour restaurer le dialogue avec le reste de la société. Comment défendre désormais l’idée qu’ils sont les mieux placés pour gérer correctement le vivant ? Et pourtant bon nombre d’entre eux le font, et bien. Et seront-ils audibles à présent, les éleveurs qui respectent réellement le bien-être animal ? En quelques heures, cette poignée de brutes est parvenue à un tour de force : retourner tout une opinion qui commençait à changer de regard sur l’agriculture et ceux qui la pratiquent, provoquant des dégâts durables sur l’imaginaire des citadins, confrontés à la violence d’animaux malmenés. Et de recreuser ce fossé qui commençait à se combler tant bien que mal.
Face à ces ravages en termes symboliques, espérons que tous les agriculteurs qui ne se reconnaissent pas dans ces actes portés par une minorité expriment à haute voix leur propre indignation.
Au passage, notons que la comparaison entre le nuisible molesté et un ministre d’Etat– Ségolène Royal pour ne pas la nommer - n’a guère suscité de hauts cris. Une espèce à protéger ?

Valérie Péan


billet d’humeur. 6 novembre 2014
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