23/06/2014
Agriculture, OGM et société. 23 juin 2014
Mots-clés: Europe , OGM

UE et OGM : qui a vraiment le champ libre ?

C’est officiel, « les Etats membres de l’Union Européenne (UE) ont donné leur feu vert, jeudi 12 juin (...) à une législation offrant toute latitude aux Etats pour interdire des OGM sur leur territoire », rapporte Le Monde.
La France se réjouit de cette décision qui semble consacrer une position qu’elle a longtemps défendue. Pourtant, ce texte est loin de satisfaire les anti-OGM. Ils dénoncent ses effets pervers qui à terme accélèreraient l’implantation des cultures OGM en Europe, alors même que Monsanto déplore cette décision européenne.
Explications dans cette revue de presse de Victor Zylberberg, stagiaire à la Mission Agrobiosciences.

Cocorico !
Pour Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture : « la France a obtenu gain de cause », « chaque pays pourra décider de les interdire (les OGM) ou pas en fonction de critères objectifs », rapporte Le Monde. Pour La Tribune, le ministre « ne cache pas sa joie de voir l’interdiction française sur les OGM avalisée par Bruxelles », en déclarant : « c’est parfaitement ce qu’on souhaitait, ce qu’on voulait ». Désormais, « les pays qui refusent de le cultiver (le MON810) seront habilités à l’interdire. Ils devront transmettre à la Commission les motivations de leur décision », complète Libération.
Le Monde énumère ainsi les « raisons autres que la santé et l’environnement comme l’ordre public, l’aménagement du territoire ou la lutte contre la dissémination » qui pourraient constituer un critère objectif.
Plus encore, « cela sécurise juridiquement les décisions car, aujourd’hui, on était toujours dépendant du Conseil d’Etat », assure Stéphane Le Foll. Il est vrai que le Conseil d’Etat « avait en effet annulé par deux fois (...) l’interdiction du MON810 en France ».

Cocori-couac ?
Victoire pour les anti-OGM donc ? Pas vraiment. Alors que les gouvernements français et néerlandais se félicitent de cette décision, la ministre de l’Environnement du Grand Duché du Luxembourg, Carole Dieschbourg, a émis de sérieuses réserves sur la solution retenue en raison du « rôle important laissé aux entreprises de biotechnologies ». Elle redoute « une vague d’autorisation de cultures » dans l’UE. Même son de cloche du côté belge, les deux pays s’étant abstenus lors de la tenue du vote.
Qu’en est-il de ce rôle dont bénéficierait l’industrie des biotechnologies ? Pour les Amis de la Terre, ce texte « stipule que si un Etat-membre veut interdire un OGM, il devra d’abord demander à la compagnie de biotechnologie elle-même de ne pas le commercialiser sur son territoire ». Pour les anti-OGM de tous bords, ce texte favorise « une accélération de l’introduction d’OGM en Europe », en raison du doute qui porte « sur la validité des motifs d’interdiction en cas de litige au sein de l’Union européenne et devant l’OMC » (Libération).

Le double langage de Monsanto
Avec ce texte qui semble faire, a priori, la part belle à l’industrie semencière, Monsanto est « outré ». Le groupe le fait savoir par la voix de sa présidente française Catherine Lamboley. Comme le rapporte La Tribune, « cette décision donne une image dramatique de l’appréciation qu’a l’Union européenne de la science. En plus, elle représente un frein à la compétitivité de son agriculture ». Pour elle, « Le droit à la carte octroyé par l’UE à chaque Etat ne représente aucune avancée pour le semencier ».
Pourtant, selon les Amis de la Terre et d’après le travail d’investigation du groupe GeneWatch en Grande-Bretagne, cette décision a longtemps été souhaitée par Monsanto. En effet, pour l’ONG, « EuropaBio, le groupe de pression de l’industrie des biotechnologies à Bruxelles, a plaidé pendant deux ans en faveur précisément de cette approche ».

La France, ce jardin de semences
Sans compter que le groupe n’a guère besoin des OGM pour s’implanter sur le vieux continent. Avec ses 11 sites et ses 518 employés, « la France est de loin le pays d’Europe où Monsanto est le plus présent ». Son credo ? Les semences hybrides céréalières mais aussi « de légumes potagers » précise l’AFP. Selon cette dépêche, 25% des terres de l’hexagone seraient cultivées avec des semences produites par la firme, soit « un hectare de maïs sur six […] (sous la marque Dekalb), et un hectare de colza sur deux ». Rien que ça…
La France reste une priorité pour la recherche et la fabrication de semences. Du côté de la recherche, ses caractéristiques pédoclimatiques en font un véritable « jardin de semences » pour reprendre la terminologie employée par Catherine Lamboley. Du côté de la production de semences, la firme espère développer dans l’hexagone « une production de maïs spécifiquement destinée à l’alimentation du bétail ». Sans compter que « le groupe affirme son intérêt pour le développement du biocontrôle, c’est-à-dire de produits naturels alternatifs aux pesticides ». Bref, les perspectives ne manquent pas.

L’épi de maïs qui cache la forêt
Il ne faudrait pas non plus oublier les pressions constantes des Etats-Unis pour que les OGM cessent d’être persona non grata en Europe. La dernière en date, relayée par le New York Times, émane du secrétaire à l’agriculture américain Tom Vilsack. Pour lui les « consommateurs européens doivent avoir le choix ». Et de spécifier ce qu’il entend par là : « l’Europe devrait revoir ses exigences d’étiquetage des denrées alimentaires génétiquement modifiées, en ajoutant que les consommateurs pourraient utiliser leurs smartphones pour scanner l’emballage du produit pour en vérifier le contenu ». Smart non ? Vilsack ajoute que « les ministres européens n’ont pas dit que l’idée était ridicule ». Il était bon de le préciser.

Revue de presse du 23 juin 2014, par Victor Zylberberg.


Sources :

Le Monde, paru le 28 mai 2014
Le Monde, paru le 12 juin 2014
Le Monde, paru le 12 juin 2014
Libération, paru le 12 juin 2014
La Tribune, paru le 19 juin 2014
New York Times, paru le 17 juin 2014
AFP, paru le 17 juin 2014
Sud Ouest, paru le 13 juin 2014
Amis de la Terre, paru le 27 mai 2014

Au sujet des OGM on pourra lire aussi :

Les OGM à l’épreuve des arguments
Par Sylvie Berthier et Valérie Péan de la Mission Agrobiosciences
A-t-on vraiment besoin des OGM pour nourrir le monde ?
Par Marion Desquilbet, économiste, chercheur à l’Ecole d’Economie de Toulouse et au GREMAQ

Le Monde, Libération, La Tribune, New York Times, AFP, Sud Ouest, Les Amis de la Terre

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