28/06/2013
Revue de presse du 28 juin 2013

La manifestation des éleveurs en 3 mots : Prix, mépris et déprise.

Les journaux nationaux ont bien noté le caractère pittoresque de la manifestation des éleveurs, ce dimanche à Paris. D’élogieuses énumérations des types de vaches que l’on pouvait y trouver, un micro-trottoir de badauds qui ne cachent pas leur plaisir à découvrir l’événement… Foin de déversements de lisier, les éleveurs tentent de nous faire rêver. Même les slogans sont léchés, avec par exemple la parodie d’une célèbre publicité : « Avant j’avais un revenu. Mais ça c’était avant ». Un coup de pub à la hauteur de l’adversité de la situation des éleveurs… Tour d’horizon avec cette revue de presse de la Mission Agrobiosciences.

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"Que le respect l’emporte sur le mépris"

Le "village agricole" installé sur l’esplanade des Invalides semble avoir réussi le coup de force de susciter l’adhésion des bobos à la cause des éleveurs, changeant un peu leur image éculée. C’était bien l’objectif de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), qui souhaite « sensibiliser les Parisiens » à l’agriculture française, qui, avec ses 500 000 exploitations et le premier cheptel bovin en Europe (soit 35 % du cheptel européen), est la première agriculture européenne. Le pari est aussi temporairement gagné pour François Thabuis, président des Jeunes agriculteurs (JA), qui souhaitait « ériger l’élevage en cause nationale », et « que le respect l’emporte sur le mépris ».

Derrière ces images d’Epinal, l’objectif était d’intéresser les Parisiens, pour leur révéler l’ampleur des difficultés auxquelles les éleveurs sont confrontés. Avant tout, il s’agit de la flambée des coûts de production, quand les prix restent bloqués. En effet, la source protéinique utilisée pour nourrir les bêtes est le plus souvent du soja, et sa valeur n’a cessé d’augmenter sur les cours mondiaux. Dans le même temps, les prix d’achat notamment par la grande distribution ont déjà été négociés, plutôt en défaveur des producteurs. D’où la « revalorisation des prix immédiate » réclamée par la FNSEA, et la remarque de François Thabuis : « Dans quel métier accepte-t-on un système qui fait travailler à perte ? ».

Disparition des éleveurs

Ce que les éleveurs craignent aussi, c’est ce qui pourrait être décidé à l’issue des négociations sur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Ils redoutent une ouverture aux importations américaines qui viendrait les concurrencer, quand leur propre production est rendue économiquement moins compétitive par l’accumulation de normes et de réglementations, notamment environnementales. Devant la menace de ce dumping environnemental, certains défendent une surenchère de normes, avec la création de labels pour tenter de responsabiliser les consommateurs. Mais beaucoup ne voient pas d’autre issue que l’abandon pur et simple de leur activité, au profit de la production de céréales, plus favorisée par les marchés. Une tendance très forte relevée dans le recensement agricole de 2010 : « Une exploitation sur quatre a disparu en dix ans. […] La baisse touche surtout l’élevage et la polyculture-élevage, avec la quasi disparition des petits élevages bovins lait. […] Les exploitations de grandes cultures résistent mieux. Leur nombre augmente même pour les exploitations moyennes et grandes spécialisées en céréales et oléoprotéagineux. »

Un problème, des interprétations.

Face à ces problèmes structurels, plusieurs interprétations divergentes. D’un côté, « La FNSEA fustige l’inaction de Stéphane le Foll », titre le Figaro : « Il faut savoir si les Français veulent une industrialisation de l’agriculture avec au final plus que deux ou trois références de produits en rayon ou alors la poursuite de la diversité du patrimoine gastronomique français ». Si le ministre de l’Agriculture s’affirme aussi contre une trop forte industrialisation de ce secteur, la FNSEA souhaiterait qu’il n’y ait pas qu’une « exception culturelle » aux accords de libre-échange, mais aussi une exception pour l’agriculture. Ou pas de libre-échange du tout, quand les conditions de production ne peuvent être comparées.

A cela, la Confédération paysanne, ancien syndicat de José Bové accusé par la FNSEA d’être l’interlocuteur privilégié du ministre – quand elle n’est que le troisième syndicat agricole français – répond en dénonçant le « double discours » de la FNSEA. Dans une lettre ouverte, elle accuse le premier syndicat d’être aussi le premier à défendre un système productiviste qui est la cause de la multiplication des normes, et serait « un modèle qui élimine les éleveurs ». La France Agricole donne aussi la voix à l’association Agir pour l’environnement, qui dénonce la manifestation de dimanche comme soutenant des modèles établis majoritairement industriels, avec le slogan « Elevage industriel : tous victimes ».

Ainsi, derrière la manifestation aux allures naïves, se trouve le lourd problème de la disparition des élevages en France. C’est une tendance de long terme, qu’un rapport d’information au Sénat datant de 2002 avait déjà relevée. Faut-il augmenter les prix aux consommateurs, comme le souhaiteraient les éleveurs manifestants ? Dans un contexte de crise et de libre-échangisme, il est fort peu probable que quelques nouveaux labels suffiraient à décider les consommateurs à ne pas alors se tourner vers les biens importés, moins chers. Seules des réformes de fond semblent à même d’inverser la tendance. Certains estiment qu’une modification de la LME (la loi de modernisation économique) proposée par Benoit Hamon, ministre délégué à la Consommation, ainsi que la réforme de la PAC qui vient de se terminer mercredi pourraient aller dans ce sens. Affaire à suivre…

Une revue de presse de Diane Lambert-Sébastiani, IEP de Toulouse.


Sources :

Le Figaro, La France Agricole, Libération, La Nouvelle République

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