26/05/2004
Edgard Pisani
Nature du document: Notes de lecture
Mots-clés: Politiques

Un vieil homme et la Terre.

"L’agriculture, c’est bien plus que l’agriculture. Pourtant les débats qui la concernent se limitent à des échanges entre les experts agricoles de l’Administration et les cadres des Organisations Professionnelles... agricoles, entre membres de commissions qui, dans les assemblées, sont composées d’agrariens. Comme si l’alimentation, l’environnement, l’espace rural ne nous concernaient pas tous.

Ayant écrit un livre où j’expose toutes ces préoccupations, j’ai aussitôt vu qu’il serait absurde de limiter mon horizon aux seuls milieux agricoles. Mais comment faire ? En tenant en province des réunions auxquelles agriculteurs et citadins seront invités. Intéressantes, ces réunions ne peuvent toucher que quelques centaines de personnes. Ce n’est pas assez. Pourquoi pas Internet ? Tout le monde n’est pas branché mais, s’ils sont innombrables dans les villes, chez les décideurs et faiseurs d’opinion, les internautes sont très, très nombreux parmi les agriculteurs ; ils en ont désormais professionnellement besoin. Ainsi toutes les composantes de la société pourraient discuter ensemble et avec moi des analyses et propositions précises que j’expose dans le livre.

Pour quoi faire ? En débattant, des dizaines de milliers de participants, agriculteurs, ruraux et urbains ne peuvent faire la loi ; ils peuvent mieux comprendre leurs problèmes ; ils peuvent éclairer les médias, les économistes et les chercheurs, les organisations professionnelles, les fonctionnaires, les législateurs, le Gouvernement et Bruxelles où je tiendrai une réunion. Dans toute l’Europe aussi. Ils peuvent, par ricochet, provoquer des échanges plus ouverts encore car tous les agriculteurs, tous les consommateurs, tous les décideurs du monde sont empêtrés dans l’affrontement entre protectionnisme et globalisation, entre libre marché d’une part et, d’autre part, sécurité alimentaire, maintien d’un vrai tissu rural, environnement, lutte contre la faim. Ils peuvent dire oui au marché sans lui confier le destin de la nature, des paysans, des consommateurs et du monde."

Avant Propos.

"Ce livre n’est pas celui d’un agriculteur, encore moins d’un paysan. Il est celui d’un citadin à qui la tâche a été jadis confiée de suivre les problèmes de l’agriculture que la modernité marginalise alors que le monde ne peut rien sans elle. Il n’est pas fait pour informer mais pour alerter. Pour mobiliser. Les agriculteurs mais, aussi, les responsables politiques, les acteurs économiques, les chercheurs, les citoyens car tous sont concernés. Mon propos est de les provoquer parce qu’ils sont trop souvent inconscients de la nature même du problème que nous a toujours posé, qu’a posé à tout le monde et que l’agriculture pose aujourd’hui plus que jamais. Garante de notre subsistance, elle concerne notre sécurité. Elle est le plus ancien des problèmes politiques et les économistes nous fourvoient lorsqu’ils proclament que cette vision est dépassée puisque nous pouvons nous approvisionner sur les marchés mondiaux. Les problèmes de sécurité ne relèvent pas seulement de leur discipline.
Ce qui se passe aujourd’hui m’inspire plus d’inquiétudes que d’espoir. À vouloir "forcer" la terre nous prenons, en effet, le risque de la voir se dérober. À vouloir mondialiser le marché, nous faisons fi du besoin que tous les peuples ont de vivre à leur manière, du travail de leurs terres. À industrialiser le travail agricole, nous chassons des paysans dont les villes et les usines ne savent plus que faire.
Le livre est composé de cinq parties. Il avance huit thèses.
La première partie dit les découvertes et travaux de mon "si long chemin". Faisant le bilan d’un demi-siècle "productiviste" qui nous a écarté de "l’ordre éternel des champs", la seconde partie est une invitation à la recherche d’une politique. La troisième partie expose en termes précis une "Politique Agricole Alimentaire, Rurale et Environnementale Européenne" . Les cinq "adresses" qui constituent la quatrième partie expliquent les différents aspects de cette politique nouvelle. Elles les expliquent à des citadins, consommateurs et contribuables ; aux membres de la Commission de l’agriculture du Parlement Européen ; aux ambassadeurs qui, représentant les Nations du Monde, peuvent comparer faim et gaspillage, confronter développement et sécurité ; aux chercheurs qui ont tant fait et dont la démesure nous effraie et menace ; aux jeunes agriculteurs enfin qui affrontent les complexités d’un métier qui n’est plus celui que leurs aînés ont pratiqué mais qui demeure. Une conclusion présente quelques réflexions sur " Vie, Homme, Terre, Temps et Politique". En annexe, un "glossaire" explique certains mots techniques et précise le sens d’autres mots auxquels la vie m’a conduit à donner un sens différent de celui que me suggéraient les dictionnaires.
Les thèses :

  • 1). L’agriculture, l’industrie alimentaire, le commerce pourvoient à notre subsistance dont le politique doit garantir les sécurités quantitative et qualitative.
  • 2) En aurait-il la capacité, l’Occident ne peut avoir l’ambition d’assurer la subsistance des neuf milliards d’humains annoncés. Pour y parvenir, le monde a besoin de toutes les agricultures du monde. Chaque pays a le droit de se nourrir lui même. Les plus pauvres ne peuvent exister autrement. Pour que le monde trouve ses équilibres, il faut qu’ici, soit mise au point une agriculture productive respectueuse de la nature et que, là, soit inventé un paysannat moderne qui nourrisse et retienne les multitudes de ruraux que la ville ne peut accueillir.
  • 3) La lutte contre la misère et la faim, dans le monde et dans chacun de nos pays, n’exclut pas la charité mais relève de la justice. Du principe de précaution, aussi.
  • 4) L’Occident a un modèle de consommation et un niveau de vie gaspilleurs dont la généralisation épuiserait toutes les ressources naturelles du monde en moins d’une génération. Vivant sans gaspiller, l’Occident peut vivre mieux. C’est là désormais qu’il lui faut inventer.
  • 5) Les cours mondiaux étant déprimés et variables, l’Union Européenne et les États Unis dispensent aux agriculteurs des subventions qui dépassent souvent la moitié de leurs revenus. Il est temps que les producteurs puissent vendre sur le marché intérieur, leurs productions à des prix correspondant à leurs coûts. L’Union doit y atteindre de telle sorte que l’exportation de ses excédents ne concurrence pas les productions agricoles des pays en développement.
  • 6) L’agriculture doit respecter la nature. Les agriculteurs doivent l’entretenir. La production n’est plus leur seule activité. Ils accomplissent désormais des tâches d’intérêt général qui concernent l’environnement naturel et la société rurale. Elles doivent être reconnues.
  • 7) Recherche médicale et recherche agronomique associées ont permis des progrès importants en matière de santé, d’alimentation et de reproduction. Elles en arrivent à des audaces qui mettent en cause nos héritages naturels et, souvent, nos convictions. Il n’appartient ni aux chercheurs ni au marché d’en dire la légitimité. Mais à la société seule, éclairée par les chercheurs eux-mêmes.
  • 8) La sagesse suggère que société globale et monde agricole concluent, dans chaque ensemble politique, qu’il soit national ou régional, un pacte assurant à la première la sécurité alimentaire et l’environnement dont elle a besoin ; au second, l’équilibre durable sans lequel il ne peut continuer d’accomplir ses tâches."

Sommaire

Avant Propos.

Invitation à un débat public.

  • Première Partie — UN SI LONG CHEMIN !
    Chapitre I . Premières images. Enfant, préfet et sénateur.
    Chapitre II . Au Ministère de l’Agriculture.
    Chapitre III. Le travail accompli.
    Chapitre IV. Développement et Agriculture.
    Chapitre V. Articles. Le Groupe de Seillac et de Bruges.
    Conclusion : Inquiétudes et espoirs nouveaux.
  • Deuxième Partie — BILAN. PERSPECTIVES. CHOIX : À LA RECHERCHE D’UNE POLITIQUE.
    Introduction.
  • Chap. I : Dynamiques. Acquis. Bilan.
    La nécessité :du rationnement à la Politique Agricole Commune.
    Le marché et les firmes.
    Les techniques et les sciences.
    "Exploitants" et "Paysans", les Agriculteurs.
    Performances et Production.
    Territoire : Société et Environnement.
    50 ans d’évolution en chiffres et graphiques.
  • Chap. II : Çà ne peut pas durer !
    Le bilan en questions : le produit ;l’espace ; l’homme.
    Peurs des progrès, demandes sociales, naissance d’une opinion.
    Les vicissitudes de la Politique Agricole Commune.
    Perspectives agricoles, alimentaires, environnementales, paysannes mondiales.
    Les inacceptables "futurs possibles".
    L’indispensable futur " impossible".
  • Chap. III : À la recherche d’une politique.
    L’exception n’est pas européenne !
    Pourquoi intervenir et qu’est-ce qu’une politique ?
    Du simple au complexe : de nouveaux paradigmes
    Un accord international : globalisation ou gouvernance.
    Politique agricole, alimentaire, rurale, environnementale Européenne.
  • Troisième Partie — : PROPOSITION D’UNE POLITIQUE AGRICOLE, ALIMENTAIRE, RURALE et ENVIRONNEMENTALE EUROPÉENNE.
  • Quatrième Partie — : ADRESSES aux RESPONSABLES.
    Présentation.
    Paris, à une Assemblée Citoyenne.
    Bruxelles, à des Parlementaires Européens.
    New York, à des représentants des Nations du Monde.
    Versailles, à des Chercheurs.
    Clermont-Ferrand, à des Jeunes Agriculteurs.
  • Conclusion : VIE, HOMME, TERRE, TEMPS et...POLITIQUE.
    Annexe : GLOSSAIRE.
    Remerciements.
Editions du Seuil. 2004.

Sources :http://www.seuil.com

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