Pourtant, une telle opposition ne correspond pas totalement à la réalité des terroirs : les métissages entre tradition et modernité, territoires locaux et commerce mondial, sont incroyablement complexes, et les sociétés rurales démontrent leurs capacités à concevoir des solutions originales et imaginatives. C’est la leçon majeure de ce livre.
Qu’y-a-t-il de commun entre la mirabelle de Lorraine, les dattes des oasis sahariennes ou du sud tunisien, l’hévéa de Sumatra, le café du Viet Nam, ou le maté d’Argentine, l’huile de palme de Côte-d’Ivoire, ou la vigne en Israël ? C’est tout le projet d’une réflexion sur les rapports entre les sociétés rurales et leurs territoires, sur les variétés végétales issues de la sélection scientifiques et celles des cultivateurs locaux, sur les liens complexes entre les finalités de l’export et celles des habitudes locales de consommation. Des questions tout à fait dans la ligne des préoccupations de la Mission d’Animation des Agrobiosciences et notamment de son cycle « Comprendre les agricultures du monde » (voir Marciac).
Un ouvrage scientifique, réalisé avec le concours d’une vingtaine d’auteurs coordonnés par Bernard Charlery de la Masselière, Professeur à l’Université de Toulouse Le Mirail (Laboratoire « Dynamiques Rurales »), mais aussi un ouvrage de découvertes documentées. On y trouvera au fil des témoignages et des analyses qui apportent des éclairages tout à fait originaux sur les dynamiques à l’œuvre parmi les agriculteurs et les agricultures dans le monde.
Exemples :
Sur la capacité réelle des paysans de Sumatra à concevoir des formes astucieuses de combinaison de la culture d’hévéa, culture industrielle d’export, avec des cultures vivrières sur les mêmes parcelles, dans le cadre du « benjoin ».
Sur l’ancrage séculaire de la culture du maïs dans les zones froides d’altitude des Andes colombiennes, malgré l’expansion de la culture du pavot « la jolie fleur » (alors que certains opposants à la culture du maïs argumentent ses origines de régions tropicales chaudes et humides pour contester la légitimité de son expansion en France et en Europe en ayant recours à l’irrigation).
Les débats au sein des Commissions d’enquête de l’INAO pour aboutir au choix d’une appellation « châtaigne d’Ardèche » plutôt que « marron ».
L’attrait des ménagères ivoiriennes pour « l’huile rouge artisanale » qui entre dans la composition des sauces africaines par rapport à l’huile industrielle « sodepalm » produite à partir de palmiers sélectionnés produits de la recherche scientifique.
Les rapports entre l’œuvre de Gabriel García Márquez (« Cent ans de solitude » et « Vivre pour la raconter ») et l’histoire de la zone bananière de Santa Marta en Colombie caraïbe.
Et bien d’autres « découvertes »... Vraiment on ne s’ennuie pas à parcourir les multiples aspects des agricultures du monde à la lecture de cet ouvrage.