Pour Armand Frémont, il s’agit, par la géographie de faire connaître le monde et en faire comprendre les socles, les transformations et les mobilités, en quelque sorte une géographie initiatrice aux grandes questions du monde. Le dernier ouvrage d’Armand Frémont, militant de la géographie, est de cette veine. Contournant la distinction classique entre géographie physique et géographie humaine, il choisit d’explorer et de décrire ce qu’il appelle « l’espace vécu »(1) en quatre rubriques : la ville, les périphéries, la mer et le littoral, la nature. La préoccupation majeure d’Armand Frémont réside dans l’instruction des sujets de nos sociétés d’aujourd’hui par « la géographie sociale », parmi lesquels quatre grands thèmes lui paraissent avoir un rôle pivot : les inégalités, la ségrégation, le pouvoir, la guerre. C’est pourquoi il milite dans la dernière partie de son ouvrage pour l’engagement du géographe dans la société sous le regard des « deux grandes figures tutélaires qui ont vécu et travaillé alors que s’établissaient les fondements de la géographie contemporaine : Elisée Reclus (1830-1905) et Paul Vidal de La Blache (1845-1918) » : il s’agit de « L’ordre du monde » et de « L’aménagement du territoire », engagement dans lequel l’ancien enseignant à l’Université de Caen et Recteur d’Académie ne saurait oublier le rôle de « La géographie à l’école ».
Cet ouvrage, à la fois soigneusement structuré et foisonnant d’informations et de références, est une somme de l’expérience d’Armand Frémont dans les différentes fonctions dans lesquelles il a excellé. Mais il témoigne aussi de la géographie qu’il a vécue sur le terrain lors de ses nombreux voyages de par le monde tout comme sur le terrain de la Normandie de Flaubert et de Maupassant qui constitue son terroir de référence.
On dégustera la première partie qui introduit à ce que sont les géographes dans l’histoire et ce que sont les différents types « d’espace géographique », pour parvenir à discuter des rapports entre la « géographie scientifique » et la « géographie sensible ». La « géographie sensible » c’est de cette « discipline » que se réclame Armand Frémont dans tous les chapitres de son ouvrage : « Jeune professeur, j’ai choisi la géographie sensible par hasard et par raison ». Une géographie qui certes utilise la carte, les mots et la combinatoire systémique, mais qui, pour faire comprendre le monde, mobilise aussi « le toucher, l’ouïe, l’odorat, le goût, la vue, réunis en un même concert géographique ».
Jean-Claude Flamant
"Aimez-Vous la Géographie". Par Armand Frémont. Edition Flammarion. 2005. (348 pages)
(1)Voir aussi "La région espace vécu", Armand Frémont, Champs Flammarion.